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MON MÉTIER Voir autrement

Cette rubrique se veut une manière de regarder un tableau autrement. Ce que nous voyons ne suffit pas à tout
comprendre. Quel est le message diffusé par l’artiste, dans quel contexte cette œuvre a-t-elle été réalisée,
à quel moment du parcours du peintre ? C’est à ce voyage découverte que nous vous convions.
Ce mois-ci, Un dimanche après-midi à la Grande Jatte (1884-1886) de Georges Seurat (Paris 1859 - Paris 1891).

Points d’optique

Michèle Dali
1886 : plan à droite à la robe

gonflée par un panier
la grande toile de d’osier, une “cocotte”
Seurat intitulée Un di- au bras de son galant,
manche après-midi qui promène un singe
à la Grande Jatte est en laisse. A gauche, un
acceptée à la hui- homme en casquette
tième et dernière fume en regardant
exposition impres- le fleuve. Dans la lu-
sionniste. Il a 27 ans. mière, au centre, seule
Cet agrément sou- la fillette tout en blanc
lève de vives tensions semble fixer le specta-
entre les peintres. teur. Des silhouettes
Pissarro le soutien- raidies, chacune isolée
dra, Monet, Sisley et dans son occupation,
Caillebotte refuseront sa réflexion et ne cher-
d’exposer ! Le succès chant pas à communi-
ne sera pas au ren- Georges Seurat Un dimanche après-midi à la Grande Jatte (1884-1886) quer avec l’autre. Très
Huile sur toile 207.5 × 308.1 cm - Art Institute Chicago
dez-vous pour le jeune travaillée, de dessins préli-
Seurat, scandale et hilarité figurant en tête des critiques minaires en croquis à l’huile, la réalisation de cette grande
formulées. On peut comprendre : quand les uns cherchent à toile s’est étalée sur 2 ans.
rendre le mouvement, lui propose un arrêt sur image. On est Si le terme de “divisionnisme” est employé par Seurat pour
loin du tournoyant Déjeuner des Canotiers de Renoir (1881), nommer sa méthode, c’est celui de pointillisme retenu par
la régularité géométrique de la composition évoque plus le le critique d’art Félix Fénéon (1861-1944) qui restera. Ce
monde pictural figé de Piero della Francesca (1450-1491). dernier, à travers de nombreux articles, promeut le talent
Influencé par l’impressionnisme mais classique dans l’exé- de son ami. Après la mort de Seurat, survenue subitement
cution, Seurat ne travaille pas sur le motif, il recompose en des suites d’une diphtérie, à l’âge de 31 ans, il dresse l’in-
atelier à partir d’esquisses prises sur le vif. Il veut dépas- ventaire de son atelier avec les peintres Signac et Luce :
ser l’approche intuitive de ses aînés et se soumet à une dé- 6 grandes compositions, une trentaine de marines et scènes
marche scientifique basée sur les lois de l’optique et de la de port, environ 160 petites peintures sur panneaux, dites
vision des couleurs complémentaires publiées en 1839 par le “croquetons”, et environ 800 dessins.
chimiste Michel-Eugène Chevreul. Une couleur n’existe pas Un dimanche après-midi à la Grande Jatte restera dans la
en soi, mais seulement par rapport à celles qui l’entourent : famille Seurat jusqu’en 1900. Émile, le frère du peintre, la ven-
une théorie que Seurat applique avec systématisme, n’em- dra alors pour 800 francs. Elle passera dans plusieurs mains
ployant que les couleurs primaires et secondaires. jusqu’à son entrée à l’Art Institute de Chicago en 1924.
La surface de lin enduite d’une couche de blanc de plomb,
qui rend la surface rugueuse, est divisée en carrés. Dans
chacun, il dessine un motif, un personnage stylisé et le plus
souvent de profil. Il juxtapose de très petites touches de pein- Où voir des Seurat
ture, voire des points. Le mélange des couleurs est optique En France, à Paris, Bordeaux, Lille, Troyes, Saint-Tropez… En
et le spectateur ne perçoit, dans une sorte de halo, que les Europe à Bristol, Bruxelles, Cambridge, Edimbourg, Londres,
nuances et les contrastes. Pour les accentuer, il entoure la Otterlo, Saint-Pétersbourg, Stockholm, Zurich… Aux Etats-
toile d’un cadre de tirets et de points peints. Unis à Buffalo, Chicago, Indianapolis, New York, Minneapolis,
Philadelphie, San Francisco, Washington… Au Japon, à
La composition évoque la gravure de mode et le reflet Hakone et Hiroshima…
d’une époque. Dans la zone d’ombre, la femme du premier

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